de Jonás Trueba
Le film de Jonás Trueba s’inspire des « comédies de remariage » comme les a nommées Stanley Cavell dans son livre « À la recherche du bonheur » (1993 réédition 2017).
« Mises en scène de couples séparés ou divorcés en quête de réconciliation et d’amour renouvelé », telle pourrait être leur définition.
Le sujet est fréquemment traité entre 1934 et 1950 - citons « New York Miami » de Frank Capra 1934, « L’impossible Monsieur Bébé » de Howard Hawks (1938), « Un cœur pris au piège » de Preston Surges (1941) - mais le genre se retrouve tout au long du temps. Pensons à « Hollywood Ending » de Woody Allen (2002) ou à « La Ritournelle » de Marc Fitoussi (2014) ou encore « Maggie a un plan » de Rebecca Miller (2016).
Cette fois c’est un réalisateur espagnol qui traite le sujet.
Le titre espagnol du film « Volveréis » se traduit littéralement par “vous vous retrouverez”, et annonce donc l’issue. Mais il joue à nous perdre en mêlant joyeusement les images de la vie d’Ale et Alex et les images du montage du film (puisque Ale est réalisatrice). Comme nous nous perdons aussi dans leur petit appartement madrilène sur cour dans lequel portes et fenêtres cloisonnent l’espace et font apparaître et disparaître à volonté nos deux personnages.
Sous des dehors légers qui quêtent nos sourires, la question centrale du film est celle du discernement ou du choix : comment prenons-nous les décisions importantes de notre vie ?
Les moines diraient qu’au début du film, le couple d’Ale et Alex souffre d’acédie.
« Acédie » est un mot qui vient du grec akêdia et qui veut dire négligence, manque de goût, indifférence, manque de soin.
Dès les premiers plans nous voyons Ale et Alex qui évoquent leur séparation. Au moment du petit déjeuner ils sont chacun dans leur coin. Alex prépare le café et il le laisse sur la paillasse sans servir Ale. Celle-ci allume son ordinateur. Ils ne se parlent pas. Ils sont tous deux moroses.
Ils ne se reprochent rien : ils ont perdu la saveur d’être ensemble. Ils sont donc bien dans l’acédie, la perte du goût, l’indifférence.
Alex évoque alors l’idée du père d’Ale : « il faut célébrer les séparations et pas les
unions » et cela éveille en eux un intérêt nouveau.
Aussitôt dit aussitôt fait, ils invitent leurs proches à une « fête de séparation »
Et ce qui va se produire, au fil des invitations c’est une prise de conscience de leurs émotions, une mise en mots de leurs états d’âme. Entre étonnements, désolations, incrédulité de leurs amis à l’annonce de leur séparation, ils reprennent peu à peu conscience de leur attachement mutuel, de ce qu’ils ont vécu d’heureux ensemble et qui n’est pas du passé. Le désir renaît, les liens se retissent. La fête de séparation devient celle d’un nouveau départ, d’une tendresse retrouvée, d’un goût de vivre contagieux.
Ils donnent chair au texte de Kierkegaard cité par le père d’Alex : « L’amour de répétition est en vérité le seul heureux car il ne présente pas l’inquiétude de l’espoir ni l’angoisse de l’aventure et de la découverte, pas plus que la mélancolie du ressouvenir. Il a la sainte assurance de l’instant présent. » Il est possible de retrouver la flamme, de retrouver l’état de grâce. Se rechoisir malgré les routines de la vie et l’usure du temps.
En fait, nous sommes souvent très pauvres dans l’attention à ce qui se passe en nous, nous savons peu nommer nos sentiments et comprendre leur alternance et surtout les utiliser pour fonder nos décisions. Avec beaucoup de finesse et d’humour, « Volveréis « nous donne à réfléchir à la suite de deux acteurs pleins de talent.
Geneviève Roux
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